Révision de classique : Salif - "Prolongations"

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Révision de classique : Salif - "Prolongations"

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Révision de classique : Salif - "Prolongations"
Révision de classique : Salif - "Prolongations"
© Radio France

Considéré par une partie du public comme le meilleur projet de Salif, Prolongations fête ce mois-ci ses dix ans. L’occasion d’évaluer sa résistance au temps et de revenir sur les raisons de son succès critique.

Artiste :  Salif

Titre : Prolongations

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Date de sortie : 25 février 2008

Format : Personne n’a jamais trop su le dire, techniquement on est sur une mixtape, mais Salif en parlait comme d’un street-CD, tandis que certains s’évertuent à vouloir en faire un album, à ce niveau on peut presque s’étonner de ne voir personne parler d’EP 36 titres.Ventes : 12000 ( source)En trois mots : street, sombre, caillera

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Etat des lieux

Après un début de carrière très prometteur, marqué par le succès critique et populaire de l’album Tous Ensemble Chacun pour soi  en 2001,Salif fait une longue pause dans sa carrière solo , se concentrant sur les projets collectifs (IV My People, Nysay) pendant une bonne demi-douzaine d’années. De retour en 2007 , il se lance dans des préliminaires avec son public, avec le fameux “album avant l’album”Boulogne Boy , qui ne sera donc pas suivi d’un album, mais de ce double-disque au format batard :Prolongations .

Contenu

37 titres , avec des inédits, des titres déjà sortis sur divers projets, beaucoup de featurings, des couplets récupérés à droite-à gauche, bref : un beau bordel plus ou moins organisé.  Côté collaborations, on retrouve évidemment Exs, le binôme historique de Salif, pas mal de représentants du rap de rue des années 2000 (Samat , Fofo44,  la LMC Click ), quelques noms côtés (Aketo , Soprano ), et mêmeMorsay , qui se contente en réalité de participer à un dialogue criant de réalisme en intro d’un morceau. Pour le reste, beaucoup de solos, y compris quelques titres très courts tirés de collabs extérieures sur lesquels Salif n’a conservé que son couplet.

Accueil

Alors que tout le monde attend le deuxième véritable album solo de Salif, la sortie d’un street-CD composé pour moitié de morceaux déjà connus (dont une bonne partie sont déjà présents sur_Boulogne Boy_ , sorti quelques mois plus tôt) aurait logiquement dû provoquer un tollé chez les fans du rappeur. Paradoxalement, ce projet est peut-être le mieux accueilli de toute la carrière de Salif : le public loue sa spontanéité et l’ambiance très dure de la plupart des morceaux. Aucune tentative de single, aucun titre spécialement radiophonique  en dehors du feat avec Soprano (et, en forçant vraiment beaucoup, de Caillera a la muerte ), beaucoup d’histoires de rue, de délinquance, et de Salif pur jus à base de "ça télécharge j'm'en bats les couilles je pousse la fonte je vends du shit mec."

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Postérité

Héritage

Etant donné son format et sa contemporanéité immédiate,Prolongations  n’est pas un disque qui a influencé outre-mesure le rap français . Tout le monde l’aime, tout le monde l’a écouté, et beaucoup l’écoutent encore, mais aucun rappeur n’est jamais entré en studio avec l’ambition de faire un nouveau Prolongations . Malgré tout, ce projet restel’un des monuments du rap de rue made in France , et bien qu’il n’y ait aucune filiation directe, le succès d’un album comme #JesuispasséchezSo constitue la preuve que Salif était dans le vrai  en s’entêtant à rapper la rue sans fioritures.

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Taux d’avant-gardisme : 20%

Salif s’est parfois lancé sur des entreprises artistiques innovantes ou hors-circuit (Qui m’aime me suive ), mais Prolongations  est un disque tout sauf surprenant pour l’époque : un bon gros concentré de rap de rue de la deuxième moitié des années 2000. Aucune prise de risque particulière, et pas la moindre envie de faire évoluer la recette, ou de révolutionner la musique :tout est aussi sobre qu’efficace.  En revanche, on remarque que Salif est en avance sur un sujet encore très tabou en 2008 : l’homosexualité des mecs de quartiers (“combien de cailleras vont se faire faire une turlute gratuite par Miguel” ), et la question de la transexualité (“tricar comme des cicatrices sur une fouf de trans”  et autre “les raclos vont baiser des travelos qui parlent avec l'accent des Orishas” ).

Taux d’obsolescence : 0%

C’est l’avantage de mettre sur pied un disque sobre et efficace : certes, on n’innove en rien, mais on a beaucoup plus de chances de résister à l’épreuve du temps. Prolongations  n’a que 10 ans, certes, mais il est arrivé des années avant la démocratisation en France de l’autotune, de la trap,  et de tout un tas de codes qui ont bouleversé le rap. On pourrait donc logiquement estimer qu’il s’agit d’un disque obsolète, à l’heure actuelle : il n’en est rien, et l’intégralité des morceaux se réecoutent aujourd’hui aussi bien qu’en 2008  -les 250 flows de Salif y sont pour beaucoup.

Taux d’actualité du discours : 90%

Prolongations  correspond peu ou prou aux chroniques d’un jeune banlieusard qui essaye de s’en sortir par tous les moyens, face à un environnement violent et un système qui refuse de lui ouvrir ses portes. Techniquement,on est donc dans une thématique qui était valable au siècle dernier, et qui le sera encore au siècle suivant. Si on voulait vraiment pinailler, on pourrait dire un mot sur l’évolution des stupéfiants cités dans les textes, puisque Salif reste 95% du temps axé sur le shit, égayant vaguement le propos de références à la coke et l’héroïne. A l’heure actuelle, les proportions auraient donc tendance à changer, avec moins de tabous au sujet de la coke, et l’arrivée de références à la codéine, mais ça reste du détail, d’autant que Salif se place l’immense majorité du temps du côté du vendeur, et pas du consommateur.  En somme, on pourrait considérer queKekra ,13Block  ou même PNL  sont dans la continuité des thématiques chères à Salif. Pour le reste, rien n’a changé, et on pourrait très bien reprendre les textes de Prolongations  aujourd’hui sans rien y changer (en ajoutant quelques “skurt” de temps à autre pour la forme).

Avis 2018

Meilleur témoignage possible de ce qu'a été le rap de rue de la deuxième moitié des années 2000, Prolongations  a parfaitement vieilli : les prods ne sont ni datées, ni en décalage avec ce qui se fait aujourd'hui, les flows sont encore parfaitement actuels , et lanoirceur de l'ambiance générale est parfaitement en phase avec les tendances du moment.  Classique certifié sans l'ombre d'un doute.

> 5 étoiles / 5